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L’humain au rebut ?

L’ouvrage de Michel Nachez dresse un bilan chiffré, appuyé sur les publications les plus récentes, du nombre d’emplois qui sont en train de disparaître, dans de nombreux métiers, du fait de l’automatisation et de la robotique. L’usine Renault de Flins (Yvelines), par exemple, est passée de 21 000 salariés en 1972 à moins de 3 000 aujourd’hui, pour une production inférieure de 50 %. Des années 1980 à 2011, la France a perdu 36 % de ses emplois industriels, soit 1,9 millions de postes en moins, alors que la population augmentait de 10 millions d’habitants. 20% seulement de ces suppressions sont imputables aux délocalisations. 80 % sont dues à l’automatisation.

La robotisation du travail physique, le traitement du travail intellectuel par des intelligences artificielles, contribuent certes à la compétitivité, et créent par ailleurs de nouveaux emplois. Mais ils en créent tendanciellement moins qu’ils n’en détruisent. Toute la question devient alors : que va-ton faire des humains qui sont déjà sortis, et continuent à sortir, du marché du travail ? Quelques issues s’imposent logiquement.

Le discours progressiste promet un avenir où l’on travaillera moins pour profiter davantage de nos loisirs. Mais pour cela, il faut maintenir la rémunération d’une proportion grandissante de la population qui ne travaillera pas. Ce qui revient à accepter que les gains de productivité acquis grâce à l’automatisation soient redistribués et non concentrés sur le mode capitaliste. Comme c’est contraire à ce qui, justement, motive l’automatisation, ce n’est pas impossible, mais c’est pour le moment un vœu pieux.

On peut aussi imaginer que les personnes « libérées » d’un travail astreignant, que les robots peuvent faire, inventeront de nouveaux emplois, créeront leur entreprise. Les services à la personne, les métiers du tourisme seraient appelés à se développer. Mais les premiers emplois qui disparaîtront sont occupés par des personnes de faible qualification : réussiront-elles à se former pour devenir à cinquante ans des créateurs d’entreprise qu’elles n’ont pas été à vingt ans ? Ou plus vraisemblablement, ne seront-elles pas réduites à occuper des petits boulots ou des « bullshit jobs » entre deux périodes de chômage ?

Au-delà de la question sociale et humaine, et plus fondamentalement, l’état des lieux et la prospective que dresse Michel Nachez dessinent un avenir dans lequel les machines se développent pour elles-mêmes et par elles-mêmes, transformant les humains en un parc d’êtres désormais inutiles à leur expansion. Quelle place les humains se ménagent-ils dans les sociétés qu’ils produisent ?