Questions à David Cumin
Éditions de l’Ill : 2022 est l’année du centenaire du mandat britannique en Palestine, confié par la SDN, aux fins d’y établir un « foyer national juif ». C’est l’occasion, grâce à votre nouvel ouvrage, de revenir sur le long et complexe conflit israélo-palestinien.
David Cumin : Oui. Il n’est guère de jour où l’on ne parle pas de violences en Cisjordanie ou à Gaza, dans les médias. Il est question d’Israël, de la Palestine, de Jérusalem, de « territoires occupés ». De tirs de roquette, de frappes aériennes. Bref, du conflit israélo-palestinien. Ce conflit est devenu séculaire, c’est ce que marque cette date symbolique.
L’Ill : Mais quel est ce conflit ? D’où vient-il ? Que signifie-t-il ? Quelles en sont les parties prenantes ?
DC : La complexité semble extrême, et elle l’est, jusqu’à la toponymie : de mêmes lieux changent de noms et la dénomination est disputée. Pour comprendre les choses, il importe de revenir en arrière, de retracer la trajectoire historique. On s’aperçoit alors que le conflit ne débute pas en 1948, qu’il remonte aux années 1920 ou même 1880, qu’il n’est pas seulement israélo-palestinien et israélo-arabe, mais aussi israélo-iranien, palestino-arabe et inter-palestinien. Mais ces antagonismes multiples sont agrégés en un seul conflit qui leur sert à s’exprimer, celui de deux constructions nationales décalées dans le temps pour un même territoire : celle qui va du mouvement sioniste jusqu’à la création d’Israël, en passant par l’Organisation sioniste (1897), le « foyer national juif » (1917-1922) et l’Agence juive (1929) ; et celle qui mène du mouvement palestinien (l’OLP surtout, créée en 1964) à l’Autorité palestinienne (1993) et à « l’État de Palestine » (2013).
L’Ill : Les guillemets s’imposent, pour vous.
DC : Oui, en raison du manque d’effectivité territoriale dû à l’occupation israélienne au-delà de la « Ligne verte », c’est-à-dire la frontière d’Israël définie par les Nations Unies.
L’Ill : Ce conflit a des dimensions internationales. C’est remarquable, car l’enjeu territorial est minuscule.
DC : Mais les passions, la dimension symbolique (celle d’une Terre sainte et d’une Ville sainte), le caractère névralgique de la région (le Proche-Orient, cœur pétrolier, polémologique et islamique du monde), le fait que le monde entier soit convoqué ou impliqué dans le conflit, ont abouti à de considérables enjeux internationaux.
L’Ill : Quel est le projet de votre livre ?
DC : Cent ans après le Mandat, il convient de démêler l’écheveau et de dissiper le brouillard, de retrouver le fil d’Ariane, à savoir le choc de ces deux projets nationaux : l’un voulant transformer une diaspora en un peuple et créant un nouvel État juif en référence à l’antique État hébreu, mais provoquant la création d’une nouvelle diaspora (l’exode des Arabes de Palestine) ; l’autre voulant recouvrer le territoire pour y forger l’État du peuple palestinien.
L’Ill : Quelles sont les issues possibles de ce conflit ?
DC : La solution est sans doute le partage territorial, pour deux États côte-à-côte. C’est ce que prônaient déjà les Britanniques, puis l’ONU, enfin la plus grande partie de la « communauté internationale », ainsi que les modérés israéliens et palestiniens. Mais elle continue de se heurter aux problèmes non résolus des frontières, des colonies juives, des réfugiés palestiniens, de Jérusalem.
David Cumin est maître de conférences HDR en sciences politiques et droit public à l’Université Jean Moulin Lyon 3, responsable pédagogique de la Licence Droit-Science politique et du Master Relations internationales à la Faculté de Droit, directeur du Centre de documentation en relations internationales (CEDOCRI), membre du Centre d’études sur la sécurité internationale et les coopérations européennes de Grenoble (CESICE)
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